D- PRÉSENTATION DE CENTENAIRES ISOLÉS

Marie Lavergne veuve de Jean Gouzou est décédée précisément à sept heures du matin le 10/05/1945, dans le village de Bancou à Giou-de-Mamou (15). C’est l’instituteur de la commune qui fait la déclaration en fin d’après-midi, et rien n’indique qu’il soit parent.

C’est un acte filiatif avec la date de naissance, le 12/02/1840 à Sousceyrac (46), ce qui laisse entendre que Marie Lavergne avait 105 ans révolus à son décès, si c’est bien sa date de naissance.
Un contrôle dans les registres du Lot confirme que Marie Lavergne, fille de Guilhaume Lavergne et de Victoire Froissant est bien née à cette date à une heure du matin.

Par la suite, la mairie a transmis un récapitulatif des actes de décès aux services des impôts, bureau d’Aurillac, où est inscrit dans la table des successions et absences, Marie Lavergne, 105 ans, sans profession, veuve Gouzou.

La recherche aurait pu s’arrêter là avec une vérification à deux actes concordants, naissance et décès.

Le recensement de 1911 complète l’histoire, Marie Lavergne veuve « Goujou », née à Sousceyrac en 1838 est avec sa fille Rosalie (elle aussi native de Sousceyrac), entourée des enfants de cette dernière à Saint-Paul-des-Landes (15). Rosalie, qui porte le patronyme Lavergne a pour nom marital Barrière. Il se peut donc qu’elle soit une enfant naturelle ou le fruit d’un autre mariage ou d’une reconnaissance « Lavergne ». L’acte de mariage de Rosalie Lavergne et de Louis Jean Barrière, le 24/02/1900 à Ytrac (15) nous indique que Rosalie est née le 11/08/1874 d’un père inconnu et de Marie Lavergne, 60 ans, cultivatrice à Reilhac (15). Comme l’époux Barrière est absent du recensement de 1911, on peut éventuellement craindre que ce n’est pas le bon couple Barrière-Lavergne, mais, en complétant les recherches autour de la commune de décès, Giou-de-Mamou, on trouve l’acte de décès le 20/11/1943 de Louis Jean Barrière dont l’identité est celle de l’acte de mariage et dont la veuve est Rosalie Lavergne âgée de 68 ans qui réside au village de Bancou. On sait aussi que Rosalie a survécu à sa mère, elle est présente dans le même village comme aubergiste au recensement de 1946 (on saura par la suite qu’elle est décédée dans ce village à l’aube de ses 98 ans).

Même s’il s’agit d’une longue période de près de 35 ans, c’est la « fin de vie » de Marie Gouzou, et on reste curieux de son mariage avec Jean Gouzou et de l’éventualité de l’existence d’autre enfants, d’autant plus que l’acte de mariage devrait cimenter les preuves de naissance et de décès en démontrant que c’est bien cette personne née en 1840 qui a épousé Jean Gouzou.

Tel n’est pas le cas, c’est une homonyme, née à Sousceyrac le 22/11/1841 qui épouse Jean Gouzou le 04/02/1879 dans sa commune de naissance. Comme Marie Lavergne (1841) est la fille naturelle de Marie Lavergne (1813), mais qu’elle n’a pas été reconnue, elle est présentée comme de parents inconnus à son mariage, il n’y a cependant pas de doute sur sa filiation puisque sa mère et les parents de sa mère sont nommés à sa naissance ( à quatre heures du matin) et que sa mère est aussi nommée à la naissance de Rosalie. Marie Lavergne 1841 met aussi au monde Jean (19/08/1876 ?) mais ne fait pas de déclaration de naissance, il sera légitimé par Jean Gouzou et deux autres enfants (Justin né en 1880 et mort en bas âge ainsi que Mélanie 1882-1860) naîtront du mariage. Peu après le mariage, Marie Lavergne 1813 décède et c’est Jean Gouzou « son gendre » qui fait la déclaration.

Jean Gouzou meurt dans la même commune en 1896, Marie Lavergne 1841 résidera un temps à Reilhac (1900, 1903) et vivra ensuite avec Rosalie (1906, 1911, 1931).

Je ne connais pas grand-chose sur la famille de Marie Lavergne 1840 qui est décédée le 19/01/1842 à Sénaillac-Latronquière (46), elle serait le quatrième enfant de ce couple (Guilhaume Lavergne et Victoire Froissant). Seule la vie du garçon, Géraud, est connue, mais, lui aussi n’a pas été déclaré à sa naissance.

Voici donc ces quelques curiosités, tout d’abord une certaine propension à ne pas déclarer certaines naissances, difficile de généraliser ces deux cas, mais ça me rappelle au moins une autre étude où j’avais remarqué des non-déclarations assez nombreuses et aussi peut être corrélées au sexe, puisque c’était les garçons qui n’étaient pas déclarés, on pourrait y voir une volonté manifeste de soustraire des hommes à un recensement pouvant les conduire à la conscription ou mobilisation militaire.

La curiosité la plus particulière est naturellement cette erreur d’identification au décès, avec substitution d’une homonyme née dans le même village de parents distincts, une vingtaine de mois avant la vraie personne. Une explication qui vient à l’esprit est qu’une recherche complémentaire a été diligentée après la déclaration de décès, soit parce que les informations fournies étaient trop lacunaires, soit à cause d’un doute sur l’âge qui était tout de même très élevé. Une autre possibilité est que Marie ait détenu un document d’identification erronée. Dans les deux cas, l’erreur pourrait provenir de la méthode employée pour les recherches en mairie, qui s’appuie le plus souvent sur une recherche en table décennale, ainsi, le recherche d’une Marie Lavergne née autour de 1841 conduit assez probablement à l’identification de la naissance en 1840.

Concernant la première hypothèse, les modalités précises ne sont pas connues, mais, si l’acte de décès a bien été rédigé définitivement à 18 heures, 11 heures après le décès, on ne sait pas très bien comment, vu les moyens de communication de l’époque, la vérification a pu être faite à Sousceyrac à une cinquantaine de kilomètres, mais cela reste cependant du domaine du possible.

Le dossier de centenaire de Marie Lavergne née en 1841 est un peu bigorné, elle n’aurait atteint « que » 103 ans et demi et pas 105 ans, et son acte de décès est à requalifier comme comprenant une erreur manifeste d’identification. Sa vie de jeune femme laisse peu de traces puisqu’elle met au monde des enfants assez tardivement et les premiers hors mariage. L’absence de recensement entre sa naissance et 1886 ne permet pas de suivre l’évolution de son âge. Après 1874, on dispose d’une chronologie cohérente d’actes d’état civil de de recensements et il n’y a pas de doute sur le fait que c’est bien la mère de Rosalie qui avait épousé Jean Gouzou par la suite, qui décède deux jours après la fin des combats.